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23 août 2012

Abderrahmane Zenati: MOURIR D'AMOUR

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MOURIR D'AMOUR

"Extrait"

 

 "... Que de moments agréables avait-il connus avec cette femme… des moments courts, rares et sublimes à la fois !... Tout cela lui paraissait comme un rêve, dans cette solitude tuante de sa chambre. Il ne s’étonnait pas d’avantage de constater qu’avec elle, il se sentait entraîné hors de la dimension de la réalité et du monde…

Il se rappela avec nostalgie qu’il était bien avec elle. A parler, à se taire, à ne jamais s’ennuyer côte à côte, à vivre bien des petites fêtes en repos, de séparation, en retrouvailles hebdomadaires, de coups de téléphone. A découvrir ses rires dans les riantes prairies et les bosquets de la route de Touissit à se poursuivre sur les sentiers entre les fleurs sauvages, à se donner des conseils, à bâtir des projets, à rêver, à ne rien faire… A s’aimer… C’est ainsi qu’en buvant les paroles de cette femme, le vieil artiste se laissait aller dans sa nostalgie. Il n’était plus que silhouette presque désincarnée. Il revoyait toutes les peines de sa vie, là devant lui. Il revoyait l’écoulement des ans qui passaient comme l’aile d’un papillon ridant la surface d’un lac. Il se retournait dans sa vieillesse comme dans le ventre de sa mère le bébé avant son expulsion. Le vieil artiste réalisa que cette femme était partie à tout jamais… Non, il n’avait pas gaspillé des moments de sa vie, comme un adolescent dans des futilités et des amourettes éphémères… Non, il avait, avec femme, trouvé l’équilibre de soi qu’il avait perdu jadis… loin d’elle, il avait l’étrange impression d’être un insecte… une petite libellule au bord de l'eau… Comment avait-il vécu ses soixante longues années loin de Marie, du rire de Marie…Oh dieu ! Encore un an, une semaine, un jour, une minute avec Marie… Bientôt je vais quitter pour toujours, ce monde clos, cet univers humide où je n’ai jamais connu le bonheur auquel j’aspirais…

Il se sentait tout le chagrin du monde dans son cœur, lorsqu’il entendit une voix venant du fond de lui-même :

- Tu es devenu un artiste, Jalal ! bravo ! et un écrivain aussi ? Encore, bravo, mon petit ! Et qu’écris-tu ? sûrement du n’importe quoi… mais dis-moi, mon petit Jalal !... comment un être inférieur, sans fierté, sans dignité, sans amour propre et sans aucune importance, comme tu l’as toujours été, puis-t-il espérer vivre ne serais-ce qu’une minute avec cette Marie ? Comment, toi, un être sans aucun intérêt, sans aucune ambition, sans aucun idéal t’accroches-tu à l’impossible ?… Tu es comme un rat hideux qui tombe amoureux d’un gracile papillon. Impossible d’échapper à ta folie et à ton destin d’homme absorbé par des illusions… Il n’y a qu’une certitude. Tu es sur la mauvaise voie avec cette femme, mon petit gros !... Elle n’est ni de ton milieu pourri, ni de ta condition futile. Mais pourquoi faudrait-il que tu te jettes toi-même dans une sorte de piège confus, mais sans issue et sans possible retour en arrière ?… Avec cette femme, trop réelle, trop consciente de sa vie, tu es dans un labyrinthe où le vacarme et la poussière, les relents empoisonnés et le grouillement se liguent contre toi en un seul complot de cauchemar ! … Avec cette Marie, tu fonces jusqu’au bout de ton délire, c’est pourquoi j’ai peur pour toi, mon petit Jalal ! Une peur mortelle ! Sais-tu pourquoi personne ne t’aime, Jalal ? Sais-tu vraiment pourquoi tout le monde te méprise, mon petit Jalal ? C’est parce que tu te méprises toi-même, mon petit vieux !… Oui, c’est ça ! Ils sont au courant de tes pires faiblesses que tu devrais être seul à connaître de cette façon, petit Jalal !… Ils t’ont sacrifié à un symbole, et tu leurs donnes le pouvoir de te dominer..."

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